Armement : la coopération avec les Emirats relancée
La France a signé son premier grand contrat avec les Emirats depuis 2007.
Entre les satellites espions et les radars, il y en a pour près de 1 milliard.
Les deux satellites espions seront dérivés des Pleïade français et permettront d'obtenir des images avec une résolution de moins de 50 centimètres. - Photo Pierre Carril / CNES
Accueil au pied de l'avion par le chef d'état-major de l'armée. Puis, sous le lustre géant du hall de réception de l'aéroport, par le ministre des Affaires étrangères. Entretien en tête à tête ensuite avec cheikh Mohammed bin Zayed Al Nahyane, prince héritier du royaume et grand patron de la défense. Lundi, pour son quatrième déplacement à Abu Dhabi à l'occasion de la signature d'un très important contrat de satellites espions (« Les Echos » du 22 juillet), Jean-Yves Le Drian a pu mesurer à quel point la relation en matière d'armement avec les Emirats est repartie. Preuve supplémentaire : hier soir, soit quelques heures à peine après le retour à Paris de la délégation française, cheikh Mohammed donnait son accord à l'achat de radars de défense sol-air de Thales pour un peu moins de 300 millions d'euros.
« La France revient dans le jeu », se félicite le ministre de la Défense. Même si Jean-Yves Le Drian refuse de livrer son analyse publiquement, son entourage, lui, met en cause l'activisme forcené de Nicolas Sarkozy sur le dossier Rafale dans les mois qui ont précédé l'élection de 2012. Arracher le contrat eût été du plus bel effet pour le candidat sortant. Las, non seulement la négociation n'a pas abouti, non seulement les Emiratis, agacés, ont fait entrer l'Eurofighter dans la danse, mais au global la rupture a été consommée. A mon arrivée, « c'était cassé », assure le ministre.
Un peu moins d'un an plus tard, la brouille semble dépassée grâce à un travail d'écoute des demandes du client et de compréhension des intérêts réciproques, sans mélange des genres : si Jean-Yves Le Drian revendique d'avoir mis en place les conditions de la confiance, c'est bien aux industriels de mener les négociations commerciales. « Je ne viens pas avec mon catalogue sous le bras », lâche-t-il, dans une critique à peine voilée du précédent locataire de l'Elysée.
Un contrat qui ouvre la voie
L'équipe actuelle veut donc voir dans le contrat des satellites espions la preuve de l'efficacité de la démarche entreprise. Outre son montant, plus de 700 millions d'euros, et même près de 900 millions avec les options, ce contrat est le premier d'envergure depuis Yahsat en 2007 (satellites de télécommunications, déjà au tandem Astrium-Thales Alenia Space).
Surtout, sa nature témoigne de la proximité entre les deux pays. Les satellites auront une résolution de moins de 50 centimètres qui fera entrer les Emirats dans un cercle très restreint de pays disposant d'une telle capacité. Les services de renseignement français vont par ailleurs former leurs homologues émiratis à traiter les images recueillies et en échanger entre eux.
L'activisme jusqu'au dernier moment de Lockheed Martin avec le soutien de Washington n'a donc pas réussi à bloquer l'affaire, qui revient pourtant de loin. En février, lors du dernier Salon Idex, le dossier était quasiment perdu pour l'équipe France, faute notamment d'avoir réactualisé son offre. Cheikh Mohammed s'en ouvre alors à Jean-Yves Le Drian, auprès de qui il multiplie les gestes ostentatoires. « Sans doute avec la volonté de me tester », reconnaît ce dernier. La suite est relativement classique - séances de négociations intenses, crainte de rupture, explication franche mais cordiale entre le prince et le ministre - pour finir par aboutir.
Le moral au beau fixe, le camp français place désormais beaucoup d'espoirs dans deux autres gros dossiers : Nexter qui cherche à vendre 700 blindés VBCI, et Dassault 60 Rafale. Même si pour l'avionneur français, il faut compter avec une concurrence britannique redoutable (lire ci-dessous).
Alain Ruello
à Abu Dhabi