Camps de concentration français en Algérie

De l'époque numide aux temps modernes.

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Camps de concentration français en Algérie

Message par numidia »

25 % de la population algérienne déplacée et concentrée dans des camps pendant la guerre d'Algérie
l'une des autres facettes atroces de la colonisation et ses méfaits
les conséquences ont été catastrophiques et le sont restées à long terme
près de 500 enfants mourraient de faim chaque jour dans ces camps


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Re: Camps de concentration français en Algérie

Message par numidia »

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en vidéo, édifiant !
[video]http://www.youtube.com/watch?v=RGLrdjkc ... r_embedded[/video]
T800 a écrit :des anciens de mon village me racontaient coment un lieutenant francais s'ausait a sniper les tetes des femmes et des enfants pour le plaisir . Il n'a jamais été inquieté mais il a été finalement puni au couteau par un fedayin
T800 a écrit :pour info " l'inspecteur des finances de 28 ans " auteur du rapport sur les camps de la mort francais en Algerie c'est Michel Rocard
le jeune inspecteur des finances Michel Rocard, 28 ans, se voit confier officieusement une enquête sur ces camps de regroupement jusque-là passés sous silence. Elle va durer trois mois, de septembre à novembre
1958. Avec sa voiture personnelle, une vieille 403 qui se noie parfois dans la boue et doit être tractée par un tank de l’armée, il sillonne l’Algérie dans un rayon de 300 kilomètres autour d’Alger. Dans la campagne, autour de
Blida, Tiaret, Orléansville, Sétif, il découvre l’horreur.
«Un million de personnes, dont énormément de femmes et d’enfants, sont parquées dans des conditions innommables.» Il estime à 200000 le nombre de ceux qui sont morts de faim. Dans un des camps de l’Ouarsenis, on dénombre 600 enfants sur 1100 regroupés. Au moment où Michel Rocard le visite, un enfant de 2 ans meurt sous ses yeux dans les bras d’un soldat. C’est le troisième en quatre jours. «Ce génocide n’a rien de systématique ni de délibéré. C’est le fruit d’un empirisme de colonels locaux qui, pour faire leurs opérations militaires dans leur coin, déplacent les populations à leur guise. Seulement il y a un problème: il n’y a pas d’argent pour nourrir les déplacés. Alors ils meurent. C’est aussi simple que cela!

:arrow: http://www.ph-ludwigsburg.de/html/2b-fr ... e/obs5.htm
Dernière modification par numidia le 01 avril 2012, 00:11, modifié 1 fois.
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Re: Camps de concentration français en Algérie

Message par numidia »

14 JUILLET 1959
alors que ces camps existent depuis plus de 3 ans déjà, l'ONU condamne la France concernant ces camps de la mort
ils ont mis 3 ans à réagir alors que la fin de la seconde guerre mondiale datée d'à peine 11 ans quand ces camps ont été mis en place en Algérie

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Re: Camps de concentration français en Algérie

Message par numidia »

cesam a écrit :Pourquoi la France regroupait les algériens dans des camps de concentration?
numidia a écrit :a) pour couper techniquement les Moudjahhidin du reste du peuple,
plus de nourriture, d'abri, se soins, d'intermédiaire, ...
b) pour faire des zones entières des no-man's land
c) et SURTOUT = idéologiquement
les Algériens menaient un combat révolutionnaire donc une lutte populaire
couper les combattants du peuple qui soutien, participe et entre dans la lutte était la hantise des Français, rappellez-vous le VietNam.

cet aspect de la guerre révolutionnaire algérienne est très peu connu, à nous de faire circuler.
cesam a écrit :C'est bien ça numidia, pour moi la France a crée des camps de concentration en Algérie en s'inspirant de ceux qui ont été mis en oeuvre par les nazis durant la 2° guerre mondiale.

Visiblement, et outre les objectifs que tu as cités, la France cherchait les voies et moyens d'extermination rapide d'un maximum d'algériens. Elle visait également à humilier la population algérienne afin de détruirele moral des combattants algériens.
numidia a écrit :oui Cesam,
si tu permets je rajouterais ceci:


a) ces principes idéologiques coloniaux on les retrouve de manière récurrente depuis 1830 !
l'exemple des camps allemands était surement dans les esprits,
mais n'oublions pas que depuis le début de la colonisation, les populations algériennes étaient déplacées !
donc ces camps dont on parle dans ce topic, ces camps français qui ont existé pendant la guerre d'indépendance ne sont pas une nouveauté dans notre histoire !
il faut bien regarder la colonisation et l'impérialisme français à travers un contexte plus vaste et plus étalé dans le temps.

b) en bref, ils n'ont pas copié sur les Allemands.
mais ce qui choquaient l'opinion c'est que après l'extrmination dans des camps allemands, "plus jamais ça", la France, 11 ans après la seconde guerre mondiale, avec tous les témoignages des rescapés des camps allemands..., la France met en place des centaines de camps de concentration en Algérie.
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Re: Camps de concentration français en Algérie

Message par numidia »

cesam a écrit :Il ne manquait plus que les chambres à gaz et les incinérateurs. Malgré tout ça, certains français tentent d'innocenter leurs arrières parents en cherchant l'effet civilisateur de l'occupation française en Algérie.
numidia a écrit :ils tablent sur le manque de connaissance
le manque de documents (archives que nous n'avons pas)
l'esprit de colonisé qui voudrait qu'on tire un trait sur tout ça

mais ils oublient qu'on est pas Algérien pour rien, l'histoire, notre histoire est transmise de générations en générations non pas par esprit de revange ou rancoeur mais pour montrer combien nos ancêtres ont lutté pour cette terre, combien nos ancêtres ont souffert et sacrifié de choses, combien notre lutte a été longue et âpre, amer pour les pertes, glorieuse et idéologique pour ses valeurs et principes.

notre lutte a toujours été noble,
c'est cet esprit de justice et ces valeurs profondément humaines qu'on veut nous faire perdre
Allah istar, nos ancêtres étaient debouts, fiers,
nous aussi, notre combat d'aujourd'hui doit nous trouver debout et fier !
cesam a écrit :L'Algérie doit demander à la France la restitution des archives relatives à la guerre de libération nationale afin de permettre une écriture de l'histoire correcte, honnête et objective pour la postérité.
soudard a écrit :Les camps dits "de regroupement " ont été constitués selon le principe psychologique mal digéré par les anciens d'Indochine : "puisque Mao a dit que les partisans sont dans le peuple comme des poissons dans l'eau, il n'y a qu'à retirer l'eau". Les anglais avaient fait ça en Malaisie, les turcs le font dans les zones kurdes. En plus comme le dit Numidia, ça mettait ces populations à la merci des français dont elles dépendaient pour leur survie. Çà permettait de constituer des "zones interdites" ou les troupes tiraient à vue.
Il ne fait pas confondre avec les camps d'internement où les "suspects" étaient internés dans des conditions souvent inhumaines.
Comme le dit le livre cité plus haut, à l'indépendance,les gens déplacés ne sont pas retournés dans la mesure où il;s avaient souvent perdu leurs troupeaux, leurs maisons.
Les morts dans les camps de personnes déplacées sont plus dûs à la négligence criminelle de l'armée et des autorités qu'à une volonté d'extermination industrielle à l'allemande.Il y avait plus de chômage que de travail forcé.
cesam a écrit :ok soudard, ton analyse est juste, mais malheureusement pour les français cette politique des regroupements ne leur a pas réussi car dans ces centres les algériens ont été renforcés dans leur conviction pour le combat libérateur.
soudard a écrit :Heureusement pour les algériens. Militairement,entre ça et le plan Challe, ça a mis l'ALN intérieure en grosse difficulté quand même à l'époque. Par contre, les organisations des villes ont pu se remonter. Et politiquement, la situation des français était intenable et De Gaulle l'a compris.
cesam a écrit :Effectivement, alors que les français d'Algérie commençaient à croire en la défaite de l'ALN, et au moment même ou personne ne s'y attendait, le peuple algérien s'est levé comme un seul homme un certain 11 Décembre 1960 au cours duquel hommes, femmes et enfants ont lancé le fameux slogan : Algérie Algérienne. :Algeria:
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Re: Camps de concentration français en Algérie

Message par numidia »

source: science§vie n° spécial il y a 5ans environ, vision française comme vous le constaterez à la lecture des commentaires et encore j'ai évité les pires.

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des détails de cette photo, regardez les visages:

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PAGE D UN JOURNAL DE LA SAS DE BOUINAN:

l'esprit colonial est frappant

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Re: Camps de concentration français en Algérie

Message par numidia »

numidia a écrit :encore un exemple de ces camps de la honte et de la mort,
mais l'image est celle de la propagande française

on montre des enfants à l'école sous une tente
style on s'occupe des enfants
mais il est occulté que des centaines d'enfants mourraient chaque jour dans ces camps
Allah yerhamhoum


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les photos parlent d'elles-mêmes :evil:

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anzar a écrit :Je ne sais pas si ça a été posté par toi numidia, mais il me semble que Michel Rocard avait à l'époque rédigé un rapport sur les conditions plus qu'inhumaines qui caractérisaient ces camps, notamment la mortalité infantile qui découlaient de ces traitements
numidia a écrit :oui, page précedente ;)
(il y est scanné quelques pages du bouquin et autres docs)

en fait le rapport Rocard était pour faire "bonne figure", version "light"
d'autres n'ont jamais été publiés.
numidia a écrit :en dehors de la mort à laquelle ont succombé de nombreux Algériens suite à ces déportations, Allah yerhamhoum,
le problème crucial engendré à court et à plus long terme est le déracinement, la séparation forcée, la perte de repères et de cohésion sociale, économique par la perte de produits de subsistance (blé, troupeaux, ...). et donc la création d'un tissu social dépossédé, déraciné, déporté, destructuré.
de ce crime, oui c'est bien au minimum d'un crime dont il s'agit, le pays en paye le prix depuis !

n'oubliez pas: près de 25 % de la population déplacée et emmurée dans des camps, on parle de 2 millions et demi de personnes ! sans réels moyens de subsistance, à la merci de l'armée coloniale.

Le regroupement des populations nomades commence dès 1957. Ceux qui s’y opposent peuvent être fusillés et enterrés dans des fosses communes. Alors que le regroupement des agriculteurs sédentaires ne change pas fondamentalement leurs conditions matérielles, le regroupement des nomades les conduit infailliblement à la ruine. On pense qu’ils ont perdu jusqu’à 90% de leurs troupeaux.

Après l’Indépendance, les autorités algériennes nient le problème (note numidia: càd le problème du déplacement comme dimension sociale destructurante).
En détruisant la société rurale, le regroupement a détruit les traditions communautaires qui furent dès lors remplacées par le salariat. Pour Bourdieu et Sayad, « en les privant des assurances et des sécurités que leur fournissait l’ordre économique et social d’autrefois, en les abandonnant à l’oisiveté et aux occupations de fortune, en les dépossédant entièrement de la responsabilité de leur propre destin, en les plaçant dans une situation d’assistés, on transforme les paysans en sous-prolétaires qui perdent le souvenir des anciens idéaux d’honneur et de dignité. »
l'extrait ci-dessus est tiré de cet article d'un universitaire:
Les camps de regroupement en Algérie

Je voudrais évoquer ici un problème qui n’a jamais suscité un vrai débat de fond en France, ni même en Algérie : les camps de regroupement pendant la guerre coloniale. Je m’aiderai de deux ouvrages : Le déracinement, publié en 1964 par Pierre Bourdieu et Abdelmalek Sayad, et surtout Les Camps de regroupements de la guerre d'Algérie (Éditions ouvrières, préface de Germaine Tillon) de Michel Cornaton, sociologue, psychologue social et soldat, à son corps défendant bien sûr, en Algérie.

Les chiffres, effarants, parlent d’eux-mêmes. Il y eut près de 2000 centres de regroupement et, selon les estimations, entre 1600000 et 2500000 regroupés, soit 15 à 25% de la population, plus d’un rural sur trois. Dans la France d’aujourd’hui, cela signifierait entre 10 et 16 millions de personnes ! Sans parler du million d’Algériens qui se sont réfugiés en Tunisie et au Maroc. Ce regroupement a bouleversé la société rurale algérienne de manière irréversible.

Par delà les justifications moralisatrices et culturelles (la « mission civilisatrice », le « fardeau de l’homme blanc »), en Algérie ou ailleurs, la colonisation, qu’elle ait été de peuplement ou non, c’était bien : « Ôte-toi de là que je m’y mette », ce que, dans les années trente, Orwell avait défini comme un “ racket ”. Comme il n’y avait pas de place pour tout le monde sous le beau soleil africain (ou indochinois ou autre), il fut décidé de pousser les indigènes pour prendre leur place, de les obliger à se resserrer, à occuper les cases noires de l’échiquier (les mauvaises terres) pour que les Européens occupent les blanches. En 1860, un officier avait froidement planifié le bouleversement nécessaire : « Nul doute, dans un siècle, l’élément indigène se sera transformé, et le but de la France sera atteint ; ou s’il est resté réfractaire, les transactions aidant, la case blanche aura absorbé la noire. Dans ce cas, aux yeux des nations, comme devant notre conscience, nous aurons agi avec équité, et nous pourrons dire : si l’élément indigène a disparu, c’est qu’il avait à disparaître. »

Michel Cornaton définit le regroupement comme « un déplacement effectué en masse, aboutissant à la création d’un nouveau centre, situé la plupart du temps à proximité de la zone évacuée. » En temps de guerre, de « pacification », le regroupement a, bien sûr, une fonction stratégique : Si le rebelle vit dans la population comme un poisson dans l’eau, on retire l’eau et le poisson meurt. On regroupera pour contrôler la population des mechtas éparses et le fellagha finira par déposer les armes. Dans le déni de son propre réel, la colonisation va se retrancher derrière un principe de précaution, quasiment humanitaire : comme il n’y avait pas de “ guerre ” en Algérie, il fallait libérer la population de la terreur des rebelles, la protéger efficacement, l’administrer, améliorer ses conditions de vie.

À partir de 1959, les regroupements définitifs, construits en dur, deviennent de nouveaux villages. Les populations sont durablement déracinées, la métropole ordonne une politique de terre brûlée.

Les procédés de regroupement sont divers. On installe parfois la population dans des bâtiments réquisitionnés. Dans tel village, 600 femmes et enfants vont se serrer à l’intérieur d’un grenier à un étage, dans des conditions concentrationnaires. Le plus souvent, après une opération militaire, la population est parquée en un endroit que l’on flanque d’un mirador et que l’on entoure de barbelés. Les regroupés couchent sous la tente ou, tout simplement, à la belle étoile. On construit aussi des gourbis en roseaux. Tout se passe, explique Cornaton, « comme si le colonisateur retrouve d’instinct la loi ethnologique qui veut que la réorganisation de l’habitat, projection symbolique des structures les plus fondamentales de la culture, entraîne une transformation généralisée du système culturel. » Lévi-Strauss avait, en son temps, observé que les Bororos s’étaient convertis au christianisme après qu’on eut transformé leur habitat. En 1964, Pierre Bourdieu et Abdelmalek Sayad étudient, dans Le déracinement, la brutalité des déplacements de population et le bouleversement de la pensée paysanne subséquente. Ils forgent le concept de paysans “ dépaysannés ”. Le plus souvent montagnards, les regroupés se sont retrouvés transplantés dans une plaine de piedmont. Le regroupement a accéléré le mouvement de dépaysannisation, là où l’agriculture traditionnelle déclinait, et il a amorcé ce mouvement dans les régions où l’agriculture traditionnelle se maintenait. D’où la tentation, l’obligation de l’émigration, synonyme de fuite de la terre et de l’agriculture alors qu’elle avait été précédemment l’occasion de l’acquisition de nouvelles terres.

Si tous les regroupés ne souffrent pas de la même déchéance matérielle, ils souffrent de la même misère morale. Ils ne peuvent plus se procurer le mouton rituel, ni pour l’enterrement, ni pour les fêtes de famille. Ils ne sont plus maîtres de leur personne, de leur temps. Ils construisent, en toute conscience, avec leurs mains, leur propre prison.

Le regroupement des populations nomades commence dès 1957. Ceux qui s’y opposent peuvent être fusillés et enterrés dans des fosses communes. Alors que le regroupement des agriculteurs sédentaires ne change pas fondamentalement leurs conditions matérielles, le regroupement des nomades les conduit infailliblement à la ruine. On pense qu’ils ont perdu jusqu’à 90% de leurs troupeaux.

Après l’Indépendance, les autorités algériennes nient le problème.
En détruisant la société rurale, le regroupement a détruit les traditions communautaires qui furent dès lors remplacées par le salariat. Pour Bourdieu et Sayad, « en les privant des assurances et des sécurités que leur fournissait l’ordre économique et social d’autrefois, en les abandonnant à l’oisiveté et aux occupations de fortune, en les dépossédant entièrement de la responsabilité de leur propre destin, en les plaçant dans une situation d’assistés, on transforme les paysans en sous-prolétaires qui perdent le souvenir des anciens idéaux d’honneur et de dignité. »

Les regroupements de population ne sont pas un simple épisode de la guerre d’Algérie, même s’il s’est d’abord agi de couper l’ALN et le FLN de ses bases.
Selon Cornaton, le travail de deuil ne s’est jamais accompli, ce qui a fait du pays, pour toutes ces populations, un non-lieu.

Avec ce processus bien souvent inhumain, la France coloniale a fait subir à ce pays une forme de barbarie au nom d’une civilisation “ universaliste ” qu’elle prétendait apporter.
Bernard Gensane.
http://blogbernardgensane.blogs.nouvelo ... gerie.html
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Re: Camps de concentration français en Algérie

Message par numidia »

Algeriano1962 a écrit :
Reportage (Dimanche 21 Mars 2010)

Il était le responsable du camp de regroupement d’Aïn Zida à Collo
Les vérités du sous-lieutenant François Marquis, 48 ans après
Par : François Marquis


J’ai passé une semaine entière à Collo à revivre l’Algérie des années de la guerre, des centres de regroupement, des enfants pieds nus… Je suis rentré en France avec le sentiment qu’un autre avenir est possible, pour nous, Français et Algériens.

J’étais un officier appelé à Collo, engagé dans une guerre qui n’était pas la mienne, en contradiction avec mes convictions. Je suis une autre victime de la colonisation. Je vieillis, mais j’espère bien revenir.
Je n’ai jamais oublié Collo ni ses habitants et, la retraite venue, j’ai consacré une bonne partie de mon temps à remonter ce passé et à chercher le chemin qui pouvait m’y ramener. J’ai commencé par les lectures, et il y a eu, bien sûr, la découverte du livre de Fatiha Nesrine, la Baie aux jeunes filles, tellement émouvant pour moi, parce qu’il me faisait pénétrer dans l’intimité de la vie des Algériens à l’époque même où je me trouvais à Collo. Malgré toutes nos armes (ou à cause d’elles, plutôt), c’est un monde auquel nous n’avions pas accès. Il y a eu ensuite les visites sur les sites internet, puis des échanges de messages, des rencontres… Et, enfin, grâce à un séjour touristique, le 3 juin 2006, nous nous retrouvions, ma compagne Marie-Thérèse et moi à l’aéroport Mohamed-Boudiaf de Constantine. Je suis revenu dans l’espoir de retrouver des gens que j’avais connus ou leurs enfants et je me demandais, non sans appréhension, ce qu’il allait pouvoir faire de tout cela et ce qui pouvait en advenir. À Collo, à l’hôtel Bougaroun où nous sommes descendus, le balcon donnait sur la Baie des jeunes filles. Il avait plu ; les gris de la mer immobile miroitaient doucement sous un ciel chargé de nuages où la pointe de Djerda se découpait avec le phare de Collo. Instant magique après tout le temps écoulé. Comme une page qui se tourne. Une fois installés, nous voilà en compagnie de notre guide Mohamed, sur la placette de la ville, plongés dès les premiers mots dans ce passé dont je cherche le versant algérien depuis des années. Mohamed est originaire d’Aïn Aghbel où il a appris le français à l’école d’Arkiqba. Il était à Collo à l’époque de la guerre de libération et il avait treize ou quatorze ans au moment de l’indépendance. Il m’aide à reconnaître les lieux parmi les constructions nouvelles. Ici, à droite, au bout d’un chemin étaient les cuisines ; à gauche, les ateliers de la compagnie automobile, et sur la plage, l’aire d’atterrissage des hélicoptères. Il était content, me dit-il, quand il les voyait revenir chargés de civières, et il s’excuse d’un sourire. Nous voici devant la maison Duplan aux balcons de fer ouvragé. Je ne reconnais pas le collège sur la gauche, ni la mairie près de l’ancienne caserne Foch. Et je ne reconnaîtrai pas non plus l’hôpital à la sortie de Collo sur le chemin d’Aïn Zida. Ils ont été financés par le plan de Constantine, et ils ont dû être construits ou achevés après mon départ. C’est la fin de la journée. Il y a du monde sur la placette. Beaucoup la traversent revenant de la mosquée ou du port ; certains bavardent, appuyés sur le muret qui longe la rue ; d’autres sirotent le café ou le thé assis autour de tables basses. On nous regarde. Sentiment d’étrangeté, comme autrefois, et différent, pourtant.
Mohamed fait le salam à ses amis et connaissances. Certains nous saluent, au passage ou de loin, discrètement, levant parfois le pouce en signe de contentement sans dévier de leur chemin. D’autres vont droit, le regard dans le pas qu’ils vont faire. Beaucoup portent le qamis et la barbe. C’était la moitié des hommes pendant la décennie noire, me dit-on. De là, entre autres, mon sentiment d’étrangeté, surtout de ces longues tuniques grises ou brunes, empruntées aux pays du Golfe et que je n’ai pas vues dans les années 1960. Leur austérité tranche avec les amples djellabas blanches devenues si rares.
Je cherche mes repères dans ce présent où je ne sais comment prendre pied et je remonte le temps à longues foulées. N’était-ce pas, ici, l’hôtel Devors ? Il y avait presque à côté un marchand de makrouts chez qui je m’arrêtais quand je faisais le convoi de Constantine. Un autre lui a succédé mais la boutique est toujours là. Et face à nous, le clocher de l’église. Est-ce la foudre qui l’a détruit ? Un petit toit carré l’a remplacé juste au-dessus de la balustrade. Comment n’ai-je pas pensé qu’il était trop haut par rapport au minaret de la mosquée ! Mohamed me rappelle le nom du dernier curé de Collo, le chanoine Métivier, que j’ai d’ailleurs connu et dont il me dit qu’il était estimé de la population algérienne. C’est ainsi qu’à tâtons, peu à peu, nous faisons connaissance. “C’est la province !”, m’a dit le maître d’hôtel au bureau d’accueil ; il est natif de Constantine. De fait, il faut se faire connaître. Je ne suis pas pied-noir, c’est une déception ; j’étais officier, c’est un handicap ; mais appelé, cela passe mieux. Il paraît que je suis le premier à revenir à Collo.
Quand S., originaire de Aïn Zida, est arrivé dans le hall de l’hôtel Bougaroun, il a salué tous ceux qui nous entouraient et m’a serré la main en dernier comme si j’étais là en plus de ses amis, mais on nous a fait place pour nous asseoir l’un à côté de l’autre. Et je me suis jeté à l’eau commençant par le récit de ma première visite à Aïn Zida, le jour où les femmes avaient poussé leurs youyous pour me pousser loin d’elles. Les choses se sont mieux passées le second jour, parce que j’étais accompagné par l’un des deux agents de police de Collo. “Mais dites-moi, quand vous êtes parti, vous n’avez pas fait curé ou quelque chose comme ça ?” m’interpella S. Et c’est à moi de confirmer qu’en effet, je suis retourné au séminaire après mon service militaire, que j’y suis resté deux ans encore, mais que je ne suis pas devenu prêtre, que je suis parti, que je me suis marié. La circonspection que je sentais dans nos premiers échanges a fondu comme neige au soleil !
L’après-midi même, nous prenions la route d’Aïn Zida et montions jusqu’à l’emplacement de l’épicerie et du café maure qui avaient été construits au moment du regroupement. Difficile de reconnaître les lieux avec les immeubles qui remplissent maintenant tout l’espace jusqu’à l’ancienne ville de Collo, celle que j’ai connue. On s’attroupe autour de nous. J’ai fait faire des tirages papier de mes diapositives des années soixante, et on se presse pour reconnaître ceux que j’ai photographiés.
Ils découvrent un monde disparu. Ils sont surpris de la tristesse des enfants, de leurs pieds nus, de leurs kebbous délavés, de la pauvreté de leurs vêtements. Mohamed s’étonne des femmes et des fillettes qui portent des robes kabyles dans la cour de l’école d’Aïn Aghbel ; il pense que je me trompe, que la photo a été prise ailleurs. Mais j’en ai une autre où je figure ; il faut se rendre à l’évidence.
Partout à Collo, on me nomme les pieds-noirs, ceux qui habitaient là, ceux qui sont revenus, Monsieur Ripoll qui est resté presque jusqu’à sa mort, le fils Villachon qui était marié à la fille Giordano, qui était professeur de mathématiques et tellement juste qu’il mettait des 0,5 à sa nièce.
J’ai passé une semaine entière à Collo à revivre l’Algérie des années de la guerre, des centres de regroupement, des enfants pieds nus… Je suis rentré en France avec le sentiment qu’un autre avenir est possible, pour nous, Français et Algériens. J’étais un officier appelé à Collo, engagé dans une guerre qui n’était pas la mienne, en contradiction avec mes convictions… Je suis une autre victime de la colonisation. Je vieillis mais j’espère bien revenir.

http://www.liberte-algerie.com/edit.php?id=132520
BADBOY a écrit :...mon grand père avais était arrêter et transférer deux fois au camp noir EL DJORF et une fois il a passer un long séjour au camp de MSILA;il était "détenue politique"...il en parlais rarement de ce qu'il a subit et de ce qu'il a vue dans ses "camp noir"... d'après ma grand mère il perdais toujours entre 15 et 20 kilos.

...je voulu juste apporter ce petit témoignage pour dire que ces camps de la honte n'abritais pas que des populations puisque il y'avais des baraques utiliser a des fins de tortures dédier aux MOUDJAHIDINE.
soudard a écrit :Il y avait des camps d'internement et des camps de "regroupement". ils n'étaient pas destinés au mêmes personnes.
Ton grand-père a été dans les premiers, je pense
scorpion-rouge35 a écrit :oui les détenus politiques étaient envoyer dans ces camps d'internement pour les interrogatoire et les torture , les camps dit de regroupement concernaient les population de toute une région , le but étant d'empêché la population locale d'être en contacte avec l'ALN et les aidés .
BADBOY a écrit :
soudard a écrit :Il y avait des camps d'internement et des camps de "regroupement". ils n'étaient pas destinés au mêmes personnes.
Ton grand-père a été dans les premiers, je pense
scorpion-rouge35 a écrit :oui les détenus politiques étaient envoyer dans ces camps d'internement pour les interrogatoire et les torture , les camps dit de regroupement concernaient les population de toute une région , le but étant d'empêché la population locale d'être en contacte avec l'ALN et les aidés .
...merci pour les explications mais je voudrais juste ajouté que même les camps de regroupement ont connues la tortures;des êtres humains ont crevais de faim et de maladies a l'intérieur de ses AUSCHWITZ ALGERIENS.

aussi,je voudrais rendre un hommage a tout les "français" qui ont désapprouvée l'existence même de ces camps de la honte,ils ont allez jusqu'à contester cela auprès de leur gouvernement,ils étaient pour la cause Algérienne sans pour autant prendre les armes...dans le cas de me grand-père c'est des français qui ont fait des pied et des mains pour qu'il soit relâcher du camp d'EL DJORF les deux première fois;a la ca troisième incarcération il a était envoyée directement au camp de MSILA ou au bout de plusieurs mois de calvaires il est parvenue a s'évader de ce camps avec plusieurs MOUDJAHIDINES.
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Re: Camps de concentration français en Algérie

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salah56 a écrit : Kasr Eltheir ou le camp d’internement de la mort lente !

Limité au nord par le village de Guellal, au sud par Ain Oulmane et la chaîne montagneuse de la Hodna, à l'est par douar Melloul et à l'ouest par par douar Ouled Boutara, Kasr Eltheir faisait parti de la wilaya I, zone I et région III, du temps de la guerre de libération : 1954-1962.

Parmi les causes principales, de la" création" du camp d’internement à Kasr Eltheir sont:

- Sa position géographique de vaste étendue dans le plat, loin des montagnes et de la population indigène, ce qui la rendait difficile pour toute probable attaque.

- Un climat rude et dur, l’hiver comme l’été, ce qui rendait la vie pénible aux détenus.

- Une vengeance contre la population de la région pour son passé révolutionnaire dans le soulèvement de Bouabdli en 1871!

Au mois de mai 1956 les forces armées françaises étaient installées, dans des tentes, à Kasr Eltheir.
Une année après ,30 prisonniers algériens étaient ramenés de Sétif et Batna à Kasr Eltheir pour la construction du camp.
Le moudjahid Moussa Kossari qui était parmi ces détenus algériens disait qu'il n y avait qu'une section de soldats français qui nous contrôlait lorsqu'on avait commencé à creuser les fondations qui avaient duré 28 jours. Pour des raisons que le moudjahid ignorait les travaux avaient cessé, et les détenus algériens étaient transférés ailleurs.
deux mois après, les travaux avaient repris. En octobre 1957 le camp se composait de 30 chambres divisées en 9 secteurs nommés de A à I. On y trouvait des dortoirs, des salles pour torture et lavage de cerveau. La superficie du camp était de 10 hectares entourés de trois sortes de pourtour avec différents obstacles. Le premier pourtour était du barbelé miné de 6 mètres de large. Le deuxième pourtour était composé de projecteurs et le troisième était deux murs, de barbelé ordinaire, entre lesquels des chiens policiers sillonnaient dans un va et vient sans arrêt.
Jusqu’à 1959 le nombre, de détenus, tous des moudjahid, dans ce camp d’internement, était à peu prés de 200, dont la plupart, étaient de la région.
Seulement après on y ramenait des détenus de partout.
Ce sinistre endroit on l'appelait "le camp d’internement de la mort lente!"
Le détenu, s'il échapperait à la mort c'était la folie qui l'attendait. Un mélange d'actes barbares qu'on faisait subir aux détenus.

Voici donc le témoignage du moudjahid Mohamed Bougassa:

"Lorsqu'on m'avait transféré à Kasr Eltheir le 5 août 1958, j'avais rencontré des moudjahid de la wilaya I, La II et La III. Il y avait une compagnie de soldats français. A notre arrivée, on avait été reçu par des chiens qui se jetaient sur nous comme des bêtes sauvages. Rares d'entre nous qui n'étaient pas blessés. Je me souviens toujours de ce gros chien de 75 kilos que les soldats français appelaient le sergent "moumous". On l'avait entraîné à sodomiser les détenus qui avaient les pieds et mains liés!
Pour ce premier jour, on nous avait demandé d'enlever nos chaussures et courir pieds nus sur du gravier alors que pas moins de 34 chiens nous couraient derrière! Ce n'était que le début du calvaire!"

Voici ce qu'on faisait subir aux détenus de Kasr Eltheir:

1. La torture physique:

- Les travaux forcés où on creusait la terre pour la malaxer avec nos pieds nus puis fabriquer des sortes de briques avec lesquels on allait bâtir des murs. Le lendemain on nous demandait de démolir ce qu'on avait construit la veille pour repartir à zéro!

- Cassé des cailloux l'un contre l'autre jusqu'à obtenir du gravier!

-Obligés les détenus, presque nus, à se jeter dans un oued plein d'ordures et de mauvaise odeur en pleine nuit d'hiver.

2. Torture morale:

- La totale obscurité dans les dortoirs
- Interdiction de se parler entre détenus
- Le cachot pour un rien
- Terroriser les détenus en annonçant que tel prisonnier allait être exécuté puis lui changer de dortoir.
- Battre des détenus à mort puis les enterrer sous les yeux des autres détenus

3. Lavage de cerveau

comme tous les détenus étaient des moudjahids, il fallait donc les détourner de leurs idées révolutionnaires. Pour cela on triait les détenus selon des catégories:

- Les têtus avec lesquels on utilisait les grands moyens qui généralement se terminait par l'exécution !
- Les hésitants lesquels on transférait dans d'autres centres
- Les coopératifs, qui montraient une aptitude à collaborer, lesquels on allait, peut être, incorporer!
Parmi les questions pièges qu'on posait aux détenus on trouve:
- Comment te sens-tu?
- Veux-tu quitter le camp?
- Est ce que la France fait du bien pour l'Algérie?
- Est ce que le peuple algérien peut s'en passer de La France?
- Ne penses-tu pas que jeter une bombe dans un café est acte criminel et sauvage?

A l'indépendance pas moins de 3200 détenus étaient à kasr Eltheir. Parmi eux, nombreux sont ceux qui étaient handicapés, fous ou très malades.

Quelques années après l'indépendance on avait changeait de nom à Kasr Eltheir qui est devenu Kasr Elabtal (Le palais des héros!).


Rahima Allah Elchouhada
BADBOY a écrit :...un grand merci a vous SALAH56 pour nous avoir éclairer sur cet énième camp de la honte :hadarat:
Dernière modification par numidia le 01 avril 2012, 00:46, modifié 1 fois.
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Re: Camps de concentration français en Algérie

Message par numidia »

numidia a écrit :sites de camps de concentration / estimation répartition globale + 2 exemples à l'ouest du pays - cartographie

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sources: Atlas de la guerre d'Algérie. G. Pervillé, 2003.
numidia a écrit :Image

d'après les données officielles du bureau des chiffres et statistiques de décembre 1960
source: Henri Alleg, la Guerre d'Algérie tome 3
anzar a écrit :Y a un tas de régions entières où 100% de la population étaient parquées dans ces camps.... :!:
snakito a écrit :

Code : Tout sélectionner

sources: Atlas de la guerre d'Algérie. G. Pervillé, 2003.
Merci numidia pour les documents, très interessant.
Aurais tu la cartographie des camps pour l'est du pays ?
numidia a écrit :
anzar a écrit :Y a un tas de régions entières où 100% de la population étaient parquées dans ces camps.... :!:
oui tout à fait Anzar, c'est impressionnant.

le nombre de douars détruits, de cheptel abandonné, de terres cultivées abandonnées ou détruites. en somme des repères, des biens, de la nourriture, des murs et objets ancestraux détruits.
bien sûr c'est matériel, mais non c'est plus que cela,
la terre cultivée brûlée ou détruite ne nourrissant plus
le cheptel pris ou abandonné n'apportant plus de lait aux enfants, de viande, de lainage, de combustibles ...
les murs ne protégeant plus, les lieux où l'on naquit détruit, les lieux où chacun avait sa place et son rôle, n'existe plus.

bien sûr outre l'aspect inhumain de la chose, la déportation de la population, l'incapacité ou plutôt la non-volonté de subvenir aux besoins de base (nourriture, toit, santé) comme expliquait dans le rapport Rocard (seul dont nous disposons à l'heure actuelle).
snakito a écrit : Aurais tu la cartographie des camps pour l'est du pays ?

désolée Snakito mais en fait dans cet ouvrage d'une 50aine de pages, sur les camps, il n'y a que ce que j'ai posté.

en fait Pervillé a recueilli de nombreux travaux et cartes d'autres historiens et les a rassemblés dans cet ouvrage en y apportant sa propre analyse.

il faudrait mettre la main sur l'ouvrage de Launay Paysans algériens, le Seuil, 1963 (c'est sur une des cartes) dont Pervillé s'est largement servi pour travailler sur ce thème.

donc, il y a du boulot pour nos chercheurs en histoire, en sociologie, en économie, ... sur les cartes, le terrain et sur les témoignages existants.
en attendant de consulter les archives :roll:
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Re: Camps de concentration français en Algérie

Message par numidia »

numidia a écrit :
Novembre 54

"Le gouvernement français ne peut pas, ne veut pas tolérer que les revendications présentées par la population dépassent certaines limites telles que l’intégrité et la souveraineté nationale."

Des tracts furent jetés par avion dans les Aurès gagnés dès le 1er novembre à l’insurrection : «Appel à la population.
Des agitateurs, parmi lesquels des étrangers, ont provoqué des troubles sanglants dans notre pays [...]
Musulmans ! Vous ne les suivrez pas et vous rallierez immédiatement et avant le dimanche 21 novembre à 18 heures, les zones de sécurité avec vos familles et vos biens. L’emplacement de ces zones de sécurité vous sera indiqué par les troupes françaises stationnées dans votre région et par les autorités administratives des douars. Hommes qui vous êtes engagés sans réfléchir, si vous n’avez aucun crime à vous reprocher, rejoignez immédiatement les zones avec vos armes et il ne vous sera fait aucun mal. Bientôt un malheur terrifiant s’abattra sur la tête des rebelles. Après quoi régnera à nouveau la paix française.»


On voit apparaître dans ce texte dès 1954, les notions de «zone interdite» et de «zone de regroupement». Malgré ces menaces, la population ne bougea pas. Le 26 novembre, Mitterrand commença une tournée d’inspection. Ce jour-là, dans les Aurès, cinq bataillons étaient engagés dans une vaste opération de ratissage. Un millier de personnes du douar Yabous, parmi lesquelles des femmes, des vieillards, des enfants, furent transférées dans un endroit désert, sans eau potable, Boussaha.


Arrivant à Batna le 27, Mitterrand déclare : «Nos soldats sont des pacificateurs.» Ce jour-là, neuf avions de chasse décollèrent de l’aéroport de Batna. Pendant ce temps, à la mechta Thagit, du linge séchait sur des piquets ; des gens allaient et venaient ; le bétail cherchait sa nourriture. Tout à coup, les fellahs virent les chasseurs briller au soleil. Le premier chasseur piqua puis ouvrit le feu sur une maison. Il y eut une rafale. Puis une deuxième. Puis tous les avions mitraillèrent. Les gens se réfugièrent dans les maisons où les balles pénétraient. Madame Zaaf Essaouba, une femme de soixante ans fut tuée. Une jeune fille de seize ans fut atteinte à deux reprises. Tout le bétail fut abattu. A T’kout, après avoir inspecté un détachement de parachutistes coloniaux et visité la gendarmerie, le ministre déclara : «L’Aurès n’est pas en état d’insurrection. Il y a dans la montagne quelques centaines de “durs” et une population consentante, soumise et peureuse.» A Batna, la piscine fut transformée en lieu de détention. Des camions chargés de suspects circulaient dans la ville. Des villages furent détruits au lance-flammes.

Le 8 décembre, les habitants de la mechta Meradsa furent avertis qu’ils devraient avoir quitté les lieux pour le lendemain. Le 9, avant que le jour soit levé, avant que les habitants aient pu déménager leurs affaires, la mechta fut envahie et les maisons flambèrent.
Le 31 décembre, les mechtas Boukhrouf et Tiffertassine furent incendiées au lance-flammes. Les six cents habitants s’enfuirent.
Chronologie des crimes de la France en Algérie rassemblée par Jacques Morel
http://www.latribune-online.com/index.php?news=16539
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Re: Camps de concentration français en Algérie

Message par numidia »

Les Dossiers de la Mémoire - Émission du 06 février 2021 - Canal Algérie


___________________________

Histoire et Mémoire du 23.01.2021 - Radio Chaine 3
Cassaigne " le camp de la mort "

https://podcast.radioalgerie.dz/sources ... 08ebdc.mp3
https://www.radioalgerie.dz/chaine3/his ... C3%A9moire
Cassaigne : Ou le camp de la mort
19 août 2018

Le Dahra, synonyme de novembre 1954 a écrit en lettres de sang les plus belles pages de notre Glorieuse lutte armé. La victoire de l’indépendance, c’est certes un moment d’extrême jubilation intérieure et de liesse populaire, mais c’est aussi, hélas, l’heure des bilans souvent morbides, l’heure d’une macabre comptabilité. Ce combat eu raison de la longue nuit coloniale, le soleil de la liberté a fini par se lever au prix de tant de vies d’hommes et de femmes sacrifiées pour une liberté chèrement reconquise. Triste anniversaire quirappelle à la mémoire collective l’érection par l’armée coloniale en cette fin du mois d’octobre 1956 d’un sinistre camp de concentration à Cassaigne (actuellement Sidi Ali ) dans l’ancien département des Mostaganem.

Par Habib Si Afif :

Au lendemain de l’héroïque bataille qu’avait commandé Si Mohamed El-Djebli les 13.14 et 15 septembre 1956 au douar Kchakcha de Sidi Zeggai à Tazgait,( 5 km à l’Est de Sidi Ali ) et au cours de laquelle les moudjahidine ont livré trois jours durantde féroces combats , et infligé de lourdes pertes en hommes et matériel à l’armée coloniale , la soldatesque française a édifié à Cassaigne ,un camp de concentration , le deuxième du genre du temps de l’empire colonial français à cette époque là après celui de Ouagadougou, au Burkina Faso . Cette initiative a évidement été mise en oeuvre dans un souci bien compris de terroriser les populations civiles et briser par voie de conséquence le FLN de ses bases naturelles et vitales. Le choix du site n’a pas été fortuit , puisque ce camp de la mort unique en son genre à l’ouest du pays , en ce début de la révolution , a été édifié sur les hauteurs Sud-Est de la ville , sur des vestiges et cavernes d’une carrière désaffectée .Cette position stratégique permettait de surplomber et donc de surveiller toute l’agglomération et sa périphérie et les grottes en contrebas rendaient pratiquement impossible toute tentative d’évasion . En sus du quartier des hommes (plus de neuf cellules individuellesou étaient pratiqués entre autres , le passage à tabac , la gégène , la bassine d’eau savonneuse , l’arrachage à vif des ongles et de la dentition ,la crucifixion et ‘l’horrible bouteille’) , les femmes n’étaient point épargnées puisqu’une aile leur a été réservée pour y subir toutes sortes d’humiliations , sévices corporels , viols , tortures sur des moudjahidate telles Kadi Halima ou Sabria Hachemi, évoquée dans les » pages de Novembre » de Amar Belkhoudja . Née le 27 mai 1906 et mère de deux chouhadas, elle y fut détenue pendant deux longues années et n’a été libérée qu’en 1962 à la faveur du cessez le feu signé le 19 Mars ;Pour son courage et sa bravoure elle sera décorée par l’UNESCO. Arrêté également pour son engagement politique traduit dans les faits ,la vedette de la musique chaabi Maazouz Bouadjadj y a longuement séjourné . Ont également connu ces sinistres lieux des héros tels les Ould El-Bey ,Ghali Benzohra , Habib Bouhella , Hamou Bensaid , Kaddour Benmoussa dont l’ex stade du Bivouac porte leur nom ( désormais stade des Cinq Martyrs ) ou encre des vaillants scouts encore en vie à l’exemple des Djilali Djellat, Mansour Dehlis et Belkacem Diaf. Immarcescible imputrescible. Ne portait-on pas à l’époque à Mostaganem le deuil des déportés du camp des Carrières ,surnommé » Cayenne » à juste titre d’ailleurs , allusion faite au sinistre bagne français de la Guyane .La liste des martyrs de la révolution est évidemment non exhaustive , ces héros n’ont été cités qu’à titre d’exemple puisque à lui seul ce camp enregistre 3.300 martyrs dont 600 ont été jetés .parfois même vivants , épuisés par les tortures et agonisants , dans un puits limitrophe ditghar » Okba « et sur lequel a été édifié une stèle en 1984 à la mémoire des disparus . Pour ma part je garde encore vivace dans un coin de ma mémoire alors que j’étais âgé d’à peine neuf ans, l’horrible indescriptible et impérissable image de mon père torturé à mort, interné dans ce bagne qui ne dit pas son nom et auquel je rendais visite en compagnie de ma mère mensuellement, de septembre 56 jusqu’au dimanche 5 octobre 1958, date fatidique de son exécution dans da forêt d’Ain- Brahim à quelques encablures de Sidi-Ali. Ce camp reconverti en musée du résistant en 1983 et restauré en 2003 constitue un témoin, pour les générations futures , des atrocités qu’à subies le peuple algérien alors que l’on parle aujourd’hui en outre-mer d’aspect positif et de mission civilisatrice de la colonisation française en Algérie . Le visiteur a tout le loisir de s’informer objectivement des conditions ignobles d’internement et d’être au fait de la genèse du combat libérateur puisqu’en plus de reliques, il peut consulter les 27 biographies exposées dans ce qu’était la salle des suppliciés. Enfin pour perpétuer le souvenir de notre glorieuse lutte de libération nationale et palier à la culture de l’oubli, les autorités compétentes devraient installer aux entrées des villes de Mostaganem, Sidi Ali, Sidi Lakhdar et tout au long de la RN 11 des plaques de signalisation indiquant l’existence des hauts sites historiques tel que le camp de concentration évoqué ci-dessus ou encore celui des grottes d’el-Frachih ( Cne de Nekmaria- Daira d’Achacha) ou ont été traquées et enfumées par le sinistre général Pélissier le 18 Juin 1845 les tribus des Flittas et Ouled Riah (1200 personnes) pour avoir résisté à l’expropriation de leur terres. Mes démarches depuis 2008 auprès de toutes les autorités concernées par ce sujet (signalisation) sont demeurées infructueuses et sans échos nonobstant les audiences et promesses données. Didouche Mourad : » Nous allons mourir, defendez seulement nos mémoires « . HONNEUR ET GLOIRE A NOS MARTYRS
http://www.tribunelecteurs.com/cassaign ... e-la-mort/
___________________________________________
Autorisation du 01/12/2019, Merci à Dorothée-Myriam Kellou pour la publication, de l’extrait
" À Mansourah, tu nous as séparés "

Pendant la guerre d’Algérie, 2 350 000 millions de personnes ont été déplacées par l’Armée Française en lutte contre le FLN. Forcées de quitter leur lieu d'habitation, elles ont été regroupées dans des camps. De retour à Mansourah, son village natal, Malek collecte avec Dorothée-Myriam, sa fille, une mémoire historique jusqu'à ce jour occultée, que la plupart des jeunes ignore, et qui pourtant a été sans précédent dans les bouleversements qu'elle a causé à cette Algérie rurale.


_________________________________________________

Les camps de regroupement pendant la colonisation française | Ciné-Thématique
Canal Algérie - Émission du 17 juillet 2020 présentée par Amir Nebbache - Invités: Nasredine GUENIFI, Mohamed REBAH, Laid DJELLOUL

LE CAMP -1961 Livre de ABDELHAMID BENZINE ici :arrow: préface de SADEK HADJERES Ré-édition de 1986
À quelle date nous sont parvenues les premières nouvelles qui nous ont décidés à faire éclater publiquement cette affaire, puis à mettre en projet le projet de faire éditer“Le camp”sans attendre et malgré les risques courus?À cette époque, nous ne gardions malheureusement pas beaucoup de traces écrites de notre travail. Mais j’ai fini par retrouver cette date en recoupant plusieurs faits: c’était autour du 6 août 1961.Comme chaque été, c’étaient les journées les plus brûlantes de l’année, dans l’enfer encore plus brûlant qu’était devenu notre pays depuis près de sept ans.Le noyau qui assumait la direction du parti sur le sol national après les grandes arrestations de 1957 avait remis sur pied plusieurs activités essentielles et nous en préparions d’autres. Notre cœur portait le poids lourd des camarades innombrables dont la liste augmentait chaque jour: ceux qui avaient péri dans les combats ou sous la torture, les emprisonnés et internés, avec les condamnés à mort dont le sort était en balance chaque matin, ceux enfin dont nous étions restés sans nouvelles. Dure était aussi à supporter aussi la pensée des épreuves inhumaines endurées chaque jour par les familles dans l’océan des souffrances de notre peuple.Mais dans cette nuit coloniale l’espoir de la libération était à l’horizon, plus clair que le soleil levant. Aussi bien les colonialistes ultra-réactionnaires que de Gaulle et ses «libéraux» ne se faisaient plus d’illusion.En décembre 1960, notre peuple avait déjà imprimé à la guerre un tournant décisif: son intervention directe, massive, spectaculaire avait pris en grande partie, à sa façon et puissamment, le relais des maquis de l’A.L.N. qui se trouvaient dans une situation très difficile depuis qu’ils avaient été coupés d’une façon quasi étanche de l’A.L.N. des frontières. La «troisième force» que de Gaulle après Soustelle et Lacoste, croyait pou voir faire surgir, faisait une fois de plus faillite. Au plan international également, l’isolement du colonialisme français était chaque jour plus profond. La solidarité de l’humanité progressiste se faisait toujours plus active. Et ces jours-là, chaque passage autour du continent africain du satellite artificiel qui portait Guerman Titov, le deuxième homme de l’espace après l’exploit historique de Gagarine, était pour nous un message d’encouragement. Il rappelait à la planète entière qu’aucune force ne peut faire tourner en arrière la roue de l’Histoire.Quelques jours auparavant, une nouvelle, si longtemps espérée,m’avait plongé à la fois dans la joie et dans l’angoisse. Au cours de ma rencontre clandestine avec«Bougalb»(le regretté Etienne Neplaz), récemment libéré du bagne de Lambèse mais encore en résidence surveillée, j’appris que Hamid était bien vivant mais qu’il se trouvait à nouveau, en ce moment même, en danger de mort. Je rentrai rapidement vers l’un de mes refuges clandestins le plus proche, bouleversé par les informations de«Bougalb», presque indifférent aux patrouilles militaires et territoriaux français, impatient de lire le message écrit de notre frère, de notre camarade, qu’on venait de me remettre.Je l’avais vu pour la dernière fois en 1956, de retour des Aurès où il avait été appelé quelques mois auparavant par Chihani Bachir entre-temps«disparu». ll rapporta de tristes nouvelles de nos camarades montés en été 1955 (Laïd Lamrani et son groupe). Nous apprendrons plus tard que ces patriotes communistes ont été froidement exécutés après la mort de Mostéfa BenboulaÏd par certains nouveaux officiers de l’A.L.N., et notamment l’un d’entre eux qui, par la suite, se ralliera à l’armée d’occupation. Des directives avaient alors été données à Hamid de rejoindre la région de Tlemcen où se posaient quelques problèmes entre les groupes paysans du P.C.A.et les premiers maquis du F.L.N.-A.L.N. Nous nous étions donc rencontrés pour échanger nos dernières consignes et recommandations dans l’obscurité complice et les dialogues bruyants d’une salle de cinéma de Bab-El-Oued.Son dernier message envoyé du maquis de Sebdou –brûlé plus tard au cours d’une alerte –écrit au stylo bille rouge, nous était parvenu si je ne me trompe pas vers la fin de 1956, dans le même style que les feuillets du“Journal de marche”qu’il écrivait au maquis de Tlemcen-Sebdou, dans les moments de répit que lui laissaient ses déplacements, les réunions ou les combats. Le seul écho que nous ayons eu de lui plus tard était, en une seule fois, l’annonce par les journaux de sa capture et de sa condamnation à vingt ans de travaux forcés par un tribunal militaire français. Ce silence nous inquiétait. Les précautions considérables que nous prenions pour approcher les familles, leurs déménagements fréquents en cette période nous empêchèrent d’en savoir plus, malgré le dévouement inlassable et l’esprit inventif de notre regrettée camarade Djamila Briki, chargée de l’organisation de la solidarité avec les victimes de la répression et qui, en tant qu’épouse de condamné à mort, avait des facilités pour contacter les familles d’autres camarades emprisonnés.Enfin le silence prenait fin. Hamid était bien vivant. Il avait échappé par miracle à l’exécution sommaire lorsqu’il fut fait prisonnier. Il avait surmonté les mois de tortures et d’isolement cellulaire à Tlemcen et Oran, puis le régime disciplinaire du bagne de Lambèse dont il racontera peut-être un jour comment il participa à organiser, dans l’union avec les patriotes nationalistes, l’action de masse des détenus pour faire reculer et briser la loi de fer que l’administration colonialiste faisait régner.Contraintes part les luttes de notre peuple de reconnaître son statut de prisonnier de guerre, les autorités coloniales ne le libérèrent de Lambèse que pour le livrer à la racaille bestiale des anciens nazis récupérés par le«Légion étrangère»française et gardiens du camp d’internement spécial de Boghari.Après plusieurs années de guerre, rien de la barbarie des tortionnaires colonialistes ne nous étonnaient plus. Mais en lisant les lignes hallucinantes écrites par Hamid au péril de sa vie, nous découvrions un peu plus qu’il n’y avait pas de limites à la bassesse de soi-disant«êtres humains»dégradés par l’aveuglement et le mépris raciste. Nous n’avions cependant pas le temps de nous laisser aller à notre angoisse, et il ne nous servait à rien debouillir dans notre haine de l’occupant. Que pouvait-on faire pour sauver notre camarade et ses compagnons? Comment éviter que tant de cadres parmi les plus précieux et les plus lucides continuent à être détruits par l’ennemi qui, sentant qu’il avait perdu la partie, s’acharner à vouloir saccager l’avenir de notre peuple? Et comment faire des agissements odieux des bourreaux l’arme qu’il fallait retourner contre eux et ceux qui les protégeaient?Révéler les faits pour mobiliser l’opinion nationale et internationale: c’était certes la voie la plus juste. Le retentissement deLa Question, l’ouvrage que notre camarade Henri Alleg avait écrit dans des conditions similaires, l’avait fortement prouvé. Mais comment procéder alors que notre camarade se trouvaitentre lesmains de demi-fous féroces dont les réactions imprévisibles pouvaient lui être fatales?C’était une décision lourde à prendre et cela tombait mal: notre collectif de direction avait suspendu temporairement certaines de ses liaisons. Il me faudrait absolument joindre Bachir hadj Ali. Ce dernier était littéralement épuisé pas la tension nerveuse due aux alertes quotidiennes dans une ville infestée par l’O.A.S., avec un travail rendu plus harassant encore pas la situation politique qui se compliquait au fur et à mesure que se profilaient les choix du proche avenir avec
les pièges et les manœuvres de division néo-colonialistes. Nous avions eu la chance de lui trouver à quelques kilomètres de la capitale une petite«oasis»de relative tranquillité, chez des amis où il pouvait récupérer pendant une dizaine de jours. Il valait mieux aller le voir, le risque en valait la peine. J’avais des papiers pas trop mauvais, mon accompagnateur avait une bonne couverture, et les conbtrôles, nombreux aux entrées dela capitale, ne furent pas trop dangereux.Nous jugeâmes la situation de notre camarade Hamid d’autant plus sérieuse que les émissions-pirates de l’O.A.S. se multipliaient et que les commandos«deltas»anti-F.L.N. et anticommunistes O.A.S. s’engageaient dans une nouvelle escalade: ils s’attaquaient à des camarades d’origine européenne que le respect de la population, même européenne, avait jusque là protégés et qui refusaient, pour le principe, de déménager malgré les menaces; pendant notre rencontre même, la radio annonça que notre vieux camarade Duclerc venait d’être poignardé rue du Ruisseau qu’il habitait depuis toujours.La décision fut prise: diffuser les premières informations dans un tract en direction de l’opinion nationale, et adresser pas l’intermédiaire de nos camarades à l’étranger une lettre à la Croix-Rouge Internationale, en lui demandant d’intervenir pour protéger les internés du camp de Boghari. Le danger ainsi couru était certes grand, mais c’était la seule façon de contrebalancer la menace qui, de toute façon, était très grande, même sans cette initiative.L’effet de ces deux actions mit les tortionnaires sur la défensive, dans un climat où grandissait le mouvement de l’opinion progressiste mondiale pour la fin de la guerre d’Algérie et où l’opinion française elle-même lassée de la guerre se mobilisait davantage pour sa solution politique. En liaison avec l’action des internés, des améliorations furent apportées à leur sort. Mais rien n’était encore garanti. Il fallait approfondir l’action, pour empêcher que, contraints au recul, les tortionnaires ne se vengent d’une façon ou d’une autre sur Hamid ou l’un de ses compagnons.L’initiative audacieuse de rédigerLe Camp, dans les conditions que l’auteur décrit, répondit à cette attente. Les précautions pour récupérer le manuscrit furent encore plus grandes, étant donné que les services de répression étaient déjà alertés et exerçaient une surveillance plus étroite. Mais ils ne s’attendaient peut-être pas à un prolongement aussi important de l’action. Inutile de dire l’émotion que suscita parmi nous le manuscrit lorsqu’il nous parvint, parmi les camarades qui le mirent en forme, le tapèrent et le transportèrent. Il fut tiré en France en un temps record. Sa très large diffusion souleva une nouvelle vague d’émotion et d’indignation; ce fut l’un des facteurs mobilisateurs qui contribuèrent à la protestation géante du peuple et des démocrates français qui s’exprima dans les manifestations telles que celle de Charonne.
Quant à Hamid, atteint d’une artérite sérieuse entraînant un début de gangrène du pied, il fut hospitalisé sous bonne garde à l’Hôpital Mustapha. Nouveau succès, mais nouvelles angoisses.
Cet hôpital était pratiquement sous la coupe des activistes ultra-colonialistes, y compris parmi certains médecins qui n’hésitaient pas à refuser des soins corrects aux patriotes ou pire encore, à se faire complices ou acteurs de leur«enlèvement»par les réseaux colonialistes. Le danger était grand. Nous avons alors commencé à préparer son évasion, en utilisant certains appuis que nous eûmes la chance de trouver. Il y eut un premier contact. Le plan avançait lorsque nous apprîmes que Hamid était évacué de l’hôpital sous prétexte que son état s’était amélioré. Hélas, il n’échappait à un danger que pour tomber dans un autre. Durant des mois nous ne sûmes plus où il était. Noscraintes grandirent en ne le voyant pas se manifester après le cessez-le-feu du 19 mars. Les colonialistes l’avaient éloigné pour l’isoler dans un camp militaire à Hammam Bou Hadjar, non loin de la frontière marocaine. Il ne fut libéré que parmi les tout derniers (pris les armes à la main) peu de temps avant la proclamation de l’indépendance. Ce fut l’une de nos joies de cette époque fiévreuse, lorsque nous pûmes enfin serrer contre nous notre camarade affaibli, amaigri. Il venait à peine de passer quelques jours au Hammam Guergour chez ses vieux parents qui auraient voulu le garder plus longtemps auprès d’eux. Nous aurions voulu leur donner, à tous, cette grande joie en ces jours où se mêlaient pour notre peuple l’immense allégresse de la liberté acquise, la douleur des absents, la déception d’une indépendance déchirée pas les luttes intestines et assombrie par le comportement avide et brutal des nouveaux profiteurs.Ce fut précisément cette situation qui en décida autrement. Et Hamid, qui plus que quiconque aurait eu besoin de souffler, de reprendre des forces, fut comme bien d’autres militants et responsables communistes, immédiatement repris par le tourbillon de la lutte.Et le revoilà en quelques jours à son nouveau et ex-poste de combat, dans cetAlger Républicain, premier quotidien national de langue française reparu dans notre pays libre, faisant entendre une fois de plus à notre peuple sa propre voix, éclairée et amplifiée par les orientations de démocratie, de justice et de progrès social pour lesquelles pendant sept ans aucun sacrifice ne fut jugé trop cher.Hamid participa donc aux premiers rangs à cette aventure exaltante mais combien éprouvante du quotidienAlger Républicainqui fit entendre à l’Algérie, au moment où elle en avait le plus fortementbesoin, les accents de l’unité d’action, de la conscience anti-impérialiste, de la justice sociale, de la fraternité des travailleurs dans notre pays et dans le monde entier. Il lui fallut attendre encore trois bons mois, la situation du journal s’étant àpeu près consolidée (il demeurait le premier journal par le tirage et l’influence dans l’opinion), pour aller à son tour consolider sa propre santé, dans ce grand pays dont le peuple connut lui aussi des souffrances indicibles pour instaurer sur sa terre souveraine le droit incontesté des travailleurs.*
J’avais pensé arrêter là cette évocation des faits, à propos du livre que l’auteur et ses compagnons de lutte m’ont demandé de préfacer, vingt-cinq ans après sa première édition.D’autres raisons me poussent à aller plus loin, des raisons puisées dans les vingt-cinq années qui viennent de s’écouler et dans le présent qui continue toutes ces luttes.Quel sens peut-on donner aujourd’hui, en particulier pour les jeunes générations, à cette lutte pour la liverté et la dignité humaine, que Hamid menait au camp spécial de Boghari lorsqu’il avait trente cinq ans, alors qu’il boucle cette année sa soixantième année?
Je n’appelle ici ni au culte de la personnalité dont Hamid serait le premier gêné, ni au discours moralisateur du genre «Sachons être fidèles à l’exemple de ...», dont l’abus –parfois pour des buts peu clairs –a rendu nos jeunes souvent allergiques à ces formules.Pour nous, il est tout à fait naturel qu’un jeune Algérien, un patriote, ait fait son devoir, qu’il ait agi selon son ardente conviction patriotique et sa conscience de classe. Mais le quart de siècle d’existence de notre pays indépendant avec ses luttes nous a appris que cela n’est pas si évident pour certains.Ce combat pour la démocratie et la dignité de l’homme, mené dans le camp, il l’a prolongé dans l’Algérie indépendante. Il a accepté pour cela les dures épreuves d’une nouvelle clandestinité, de 1965 à 1974, non par esprit partisan ou par esprit de rébellion, mais parce que, pour un homme politique non exilé, c’était la seule façon –y compris dans l’esprit constructif –de continuer à pouvoir exprimer ouvertement son point de vue. C’est ainsi qu’il a lutté pour la réforme agraire, pour la nationalisation des hydrocarbures, pour les droits sociaux des travailleurs, pour l’organisation démocratique des étudiants, des jeunes, des syndicats des ouvriers des villes et des campagnes, à une période où tous ces mots d’ordre étaient considérés comme subversifs. Et c’est lorsque ces objectifs ont commencé réellement à avancer dans le pays, qu’avec d’autres camarades il est revenu à une vie plus normale, la tête haute, mais considérablement affaibli par cette nouvelle épreuve.Son message n’est pas de ceux qui disent aux jeunes:«de notre temps nous faisions comme ceci ou comme cela –prenez exemple et imitez-nous.»Son message dit: nous avons lutté pour créer de nouvelles conditions et vous partez sur des bases meilleures. Soyez encore plus audacieux que nous ne l’avons été. Le monde actuel vous le permet. Mais soyez vigilants, ce monde reste dangereux. Le fascisme que vos aînés ont combattu cherche à renaître, l’impérialisme est assoiffé de revanche, il use de la menace nucléaire, il se proclame gendarme mondial, il veutremettre les peuples à genoux et transformer notre région en un immense camp. Telle est la doctrine du reaganisme et de son complexe militaro-industriel, tel est le sens des agissements du sionisme, du racisme sud-africain s’appuyant sur les faiblesses etles divisions engendrées par les tendances réactionnaires des rois«pétro-dollars»et les dictatures rétrogrades pseudo-islamiques. C’est la revanche sociale qu’appellent les organisations ultra-réactionnaires qui fleurissent en Europe et se réclament de l’héritage du nazisme cherchant à dévoyer une partie de la jeunesse ouest-européenne pour la lancer dans des crimes contre les immigrés des pays en voie de développement. Quand la voix de notre peuple indigné s’est levée contre l’insolente tribune offerte à Bigeard dans notre presse nationale à l’occasion du trentième anniversaire du 1er Novembre 1954, il ne s’agissait ni d’alarmisme ni de démagogie. C’était la claire conscience d’un réel danger, c’était l’affirmation que la sécurité et la paix dans le Bassin méditerranéen passent par la réconciliation et la coopération entre les travailleurs et les peuples de la région, et non par l’absolution et le blanchissement des crimes commis par les forces de l’oppression et de la violence fasciste.De tout cela,Le Camptémoigne fortement. Il appelle à faire revivre et s’épanouir dans l’indépendance et la paix jalousement défendues cette terre arrosée de la sueur, des larmes et du sang des générations précédentes. Le livre ouvert construit sous le nez des bourreauxpar les internés du camp de Boghari ne restera pas un monument de ciment. Il fécondera dans les esprits et les cœurs de la nouvelle génération la volonté et la conscience nécessaires pour aller de l’avant.Alger, 6 février 1986Sadeq Hadjerès.
https://www.socialgerie.net/IMG/pdf/Le_ ... ace_SH.pdf
http://www.socialgerie.net/spip.php?article1178
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Re: Camps de concentration français en Algérie

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