Youcef Gheraibia, un chercheur algérien courtisé par les plus grands groupes automobiles
YOUCEF GHERAIBIA DANS SON LABORATOIRE.
Youcef Gheraibia, 30 ans, est chercheur en informatique à l’Université de Souk Ahras. Il a mis au point un algorithme, inspiré des techniques de chasse des manchots, pour concevoir des logiciels de sécurité pour voitures intelligentes… Un système convoité par les grands constructeurs automobiles.
Dans une salle de réunion de l’Université Mohamed Cherif Messaadia à Souk Ahras, où il enseigne et fait des recherches en informatique, Youcef raconte -parfois avec un sourire aux lèvres- son parcours. S’il est fier de sa réussite, il tient toutefois à rester modeste. « Vous savez, je ne suis pas une exception. L’Algérie compte beaucoup de talents qui restent inconnus ». Il cite l’exemple de deux de ses anciennes étudiantes. « Si on leur donnait leur chance, je suis sûr et certain qu’elles feraient mieux que moi ».
Né à Souk Ahras en 1986 d’un père instituteur et d’une mère au foyer, Youcef Gheraibia a suivi l’intégralité de son cursus -études scolaires et supérieures- en Algérie. Depuis son enfance, il aime la nature « avec sa faune et sa flore ». Sa passion : « observer tout mouvement naturel et méditer », confesse-t-il. « Étant enfant, je n’aimais pas beaucoup aller à l’école. Par contre, j’adorais observer la nature ».
Le déclic dans un cyber-café
Avec l’arrivée d’Internet et l’ouverture du premier cybercafé de Souk Ahras à la fin des années 1990, le jeune ingénieur développe une seconde passion pour l’informatique. « Je partais dans l’unique cybercafé de la ville. À l’époque, une heure de connexion coûtait 200 DA. Ce qui était quand même cher pour un jeune adolescent. Mais je pouvais compter sur ma mère qui trouvait toujours le moyen de me donner cette somme d’argent », raconte-t-il. « D’ailleurs, elle n’a jamais lésiné sur les moyens lorsqu’il s’agit des études ».
En dépit de ce qui semble être un désintérêt pour les bancs d’école, le jeune homme assure qu’il était bon élève. Ses quatre frères aînés sont tous devenus ingénieurs : « Il fallait que je sois le cinquième », dit-il avec un large sourire.
Après avoir obtenu son baccalauréat, Youcef Gheraibia intègre l’université d’Oum El Bouaghi pour étudier l’informatique. Une fois son diplôme obtenu en 2008, il entame une première expérience professionnelle comme informaticien à la direction des Impôts de la wilaya de Souk Ahras. Puis, une seconde en 2011 à la direction du Commerce. À cette occasion, il reçoit ses premières félicitations de la part de Mustapha Benbada, alors ministre du commerce, pour avoir « développé le site internet de la direction du Commerce de Souk Ahras ».
Pendant la même année, le jeune ingénieur, qui effectuait en parallèle un magistère en Intelligence artificielle de l’université Mohammed Boudiaf à M’sila, termine major de promo.
Les manchots comme source d’inspiration
C’est à cette période que Youcef Gheraibia voit plus loin. Il réalise alors des recherches avec ses propres moyens, chez lui. « Au départ, je me suis intéressé à la régénération des cellules souches. J’ai donc essayé d’imiter leur comportement pour faire une modélisation mathématique afin de résoudre des problèmes d’optimisation informatique. Mais, après quelques mois de travail, j’ai constaté que c’était très difficile. Alors, j’ai abandonné cette piste », raconte le jeune chercheur.
Pour autant, l’échec de cette première tentative ne démotive pas Youcef Gheraibia. Déterminé, il étudie les anciennes recherches faites sur le système dit « des colonies animales ». De fil en aiguille, l’informaticien s’intéresse au comportement des manchots. « Comme ils vivent dans des régions très froides, ils doivent dépenser beaucoup d’énergie. Je me suis posé la question : comment font-ils ? », poursuit Youcef.
« En approfondissant mes études sur les comportements des pingouins, plus précisément sur leurs techniques de chasse, j’ai constaté qu’ils ont un mécanisme propre à eux qui pouvait être intéressant pour un travail de recherche. Il consiste à trouver l’endroit où il y a le plus de nourriture en dépensant le moins d’énergie. Et c’est un point en commun avec le monde de l’informatique où on essaie de trouver le moyen le plus optimal », souligne-t-il.