Algérie : blogueurs et journalistes arrêtés pour des caricatures
Publié le mars 2, 2014
Les proches du président Abdelaziz Bouteflika, ont récemment annoncé que le président se présenterait pour l’élection présidentielle du 17 avril 2014. Une décision qui semble exagérée : après quinze années au pouvoir, Bouteflika enchainerait un quatrième mandat alors que sa santé est au plus bas. Même avant cette annonce les blogueurs et journalistes s’en donnaient à coeur joie : caricatures du chef d’Etat, appel au boycott des élections… tant d’expressions de leur pensée qu’ils payent parfois de leur liberté. Parmis eux Djamel Ghanem, caricaturiste à La Voix de l’Oranie ou Abdelghani Aloui, blogueur.
Djamel Ghanem a été stoppé avant même d’avoir parlé. 18 mois de prisons et 30.000 dinars d’amende, c’est ce qu’il risque pour avoir voulu s’exprimer sur le 4ème mandat d’Abdelaziz Bouteflika. La cause de cette arrestation : une caricature qui devait paraitre dans le quotidien La voix de l’Oranie du 30 septembre 2013.
« Le dessin n’est jamais paru. C’est une première mondiale: un éditeur de presse qui dépose plainte contre un de ses employés pour outrage au Président de la Républiqué » a confié Me Youcef Dilem à l’AFP. Le verdict est attendu pour le 4 mars.
De son coté Abdelghani Aloui, blogueur de 24 ans, est détenu depuis le 25 septembre dernier après la publication sur Internet de caricatures du président et de son Premier ministre, Abdelmalek Sellal. Abdelghani Aloui est accusé d’ »outrage à corps constitués », d’ »atteinte à la personnalité du président de la République » et d' »apologie du terrorisme ».
« Mon fils n’a fait qu’exprimer son avis en tant qu’Algérien sur le 4ème mandat du Président. Résultat, il a été arrêté et emprisonné, avec de lourdes charges qui pèsent sur lui, mais j’ai confiance en la justice algérienne », a déclaré son père au journal algérien El Khabar. Malheureusement les deux hommes ne sont pas les premiers dans cette situation.
De nombreux soutiens
Par solidarité des blogueurs militants montrent leur indignation sur le web. Les critiques à l’égard du pouvoir fusent. Pour Kader Affak, « l’arrestation du blogueur traduit l’instrumentalisation des institutions ». « C’est l’argument de la diffamation que pourront utiliser les voleurs et les égorgeurs qui se retrouvent protégés au moment où c’est la société et le mouvement démocratique qu’il faut préserver ».
Délit de presse
Le délit de presse, menace toujours les journalistes algériens. L’article 144bis du code pénal (en vigueur depuis 2001) prévoit en effet des peines de prison allant de 2 à 12 ans et des amendes pour tout propos jugé diffamatoire. Les poursuites judiciaires se multiplient à l’encontre des journalistes et de leurs directeurs de rédaction. Les tribunaux algériens ne désemplissent pas. Pour l’animateur du blog «Dz Militant», Meziane Abane, les arrestations de Djamel Ghanem ou d’Abdelghani Aloui sont légitimes selon le code pénal. Il estime que « l’image reste le moyen le plus expressif pour nos jeunes… Des jeunes, comme Abdelghani Aloui, sont nombreux et ils sont dans leur droit en voulant s’exprimer librement, à condition de ne pas entrer dans la diffamation et la calomnie ».
Vers un retour en arrière
Pourtant en mai 2004, en entamant son second mandat, Abdelaziz Bouteflika avait affirmé sa « détermination à veiller à la liberté d’expression ». « Nous voulons marquer, encore une fois, avec force, notre détermination à veiller à l’exercice effectif, pour tous, de la liberté d’expression, en droite ligne de la Déclaration universelle des droits de l’homme », avait déclaré le Président dans un message à la presse. Or, malgré ces engagements en matière de liberté d’expression, peu de choses ont changé depuis. Dans son classement 2014
Reporters Sans Frontières (RSF) a classé l’Algérie en 121 place sur 180 pays à respecter la liberté de la presse. Techniquement, le pays remonte peu à peu dans le classement (+3 places par rapport à l’année derniere) mais dans les faits, l’Algérie est loin d’être un exemple.
Le journal El Watan s’indigne que « les autorités empruntent un chemin dangereux pour le pays » et qu’”Il y a volonté de revenir aux années de plomb en balayant tous les acquis démocratiques arrachés par les Algériens en octobre 1988. C’est une voie qui mène au désordre et à l’instabilité. »